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L’Europe de la concurrence

Voici une anecdote qui pourrait en dire long sur les accords de Sangatte et l’ouverture des frontières.
J’en fus à mon grand dam la triste victime, mais c’est bien là le propre de ma vie d’être une victime innocente, ou du moins d’essayer de me le persuader pour une postérité future au royaume de Saint Pierre, puisque je n’ai pas encore de relations assez vastes pour obtenir un double des clefs du paradis.
Lors de mon dernier séjour à Plovdiv, en juin, un couple charmant – dont la femme est une amie collagiste, et l’homme un sculpteur renommé, sûrement issue dans ses gênes d’un arrière-grand-père chauffeur de taxi, comme il se doit dans toute généalogie Bulgare – eut la gentillesse de me prêter un appartement pour me loger.
J’étais donc dans le quartier proche de la gare.
Un quartier très animé, populaire, et également fréquenté la nuit par des prostituées, comme tout quartier proche d’une gare, et cela dans toutes les grandes villes du monde, y compris la France il va sans dire.
De gentes dames prostituées faisaient les cent pas sur le trottoir de mon immeuble, prostituée, cela je dois le reconnaître, je ne l’ai remarqué qu’au bout de trois jours.
Les deux autres soirées ou nuits où je rentrais à mon domicile j’eu la faiblesse d’imaginer que ces gentes dames au regard accrocheur et au sourire aimanté en avait après mon charme certain.
J’eu même la faiblesse de penser que je croisais là des Plovdiviennes non issues d’une famille de chauffeur de taxi, ou que ces créatures douées d’une intelligence remarquable et d’un goût sur la beauté incommensurable de certains hommes avait reconnu en moi ce que moi-même j’ai du mal à reconnaître, même après quelques larges lampées de mastiqua.
Je dois noter que la plus proche de mon domicile – celle qui était chaque nuit dans un coin de trottoir mal éclairé – faisait plutôt frémir de pitié que d’envie subite, à moins qu’il faille donner à certaines envies subites le nom d’une très célèbre bière : La mort subite…
Plus ou moins vêtu , ou dévêtu suivant le sens où l’on retourne la bouteille – de haillons, maigrichonne comme une arbalète de Noël, et les cheveux plaqués par la graisse – elle avait l’aspect de celle qui sort de dessous la douche et qui, ayant subi une coupure d’eau, n’a pu se rincer les cheveux après shampoing.
Celle ci, qui avait sûrement remarqué mon air de collagiste, était plutôt du genre très pot de colle, très collante, pour ne pas ajouter le terme de gluante collante.
Du haut de ma pudeur et de mon sens inné pour toute morale – homme à ne pas abandonner ma vertu sur le bord d’un trottoir – je la rejetai, amicalement, mais fermement de toute ardeur à mon égard.
Je ne sais ce quelle pensait de moi, chaque soir ainsi restant droit dans ma candeur, mais je sus à travers son regard ce qu’elle pensa définitivement de mon attitude à l’aube du troisième matin de mon séjour.
Ce matin là, il devait être dans les huit heures, je constatai amèrement après ma douche, que mon peigne avait disparu. J’imaginai sur le coup quelques vols à mon intention – quelques chauffeurs de taxi mal intentionnés et pénétrant à mon insu dans mon domicile afin de me dérober mon peigne.
Plus pragmatique, cette hypothèse ne faisait pas long feu, et sachant avec quel ordre je range mes affaires – je passe chaque jour la moitié de mon temps à rechercher les affaires que j’ai rangé dans l’autre moitié de mon temps – j’abandonnai au bout d’une heure toute recherche.
Etant donné la longueur de mes cheveux, il ne m’était pas possible de laisser ces nœuds mouillés sur la tête, de peur d'être particulièrement et singulièrement remarqué en public : d’autant que j’avais le matin même un rendez-vous très important avec un imprimeur de Plovdiv.
Impossible également, étant donné l’heure matinale, d’aller à l’ambassade de France déplorer ce méfait portant une atteinte à ma dignité d’homme ordonné.
Je décidai donc d’aller dans les magasins proches de la gare, à quelques encolures de domicile, où j’avais remarqué des centaines d’échoppes dans le passage souterrain du carrefour.
Sûr que là j’allais trouver un peigne de remplacement pour sauver mes apparences.
Je sortis donc, peu fier, cheveux en boules et nœuds mouillés sur le crâne : dès la porte franchie, la gente prostituée citée plus haut m’agrippa une nouvelle fois au coude : Nous croisâmes nos regards et pûmes constater que nous portions tous deux la même coiffure : Cela à sûrement été un choc pour elle car elle retira aussitôt son bras du mien, accompagnant son geste d’ un air horrifié !
Il suffisait de lire à peu près ceci sur ces lèvres :
-Voici une concurrence déloyale – par un homme – et un français de surcroît !!!! et après cela le gouvernement Bulgare voudrait nous faire croire au bienfait de l’Europe !!!
C’est cela, et cela uniquement, j’en suis sur aujourd’hui, qu’elle pensa de moi.
Qu’elle horrible pensée !
Quelle image ai-je représenté ? Qu’elle opinion dégradante à mon égard !
Moi qui n’ai jamais su me vendre, faute d’acheteur, j’étais à jamais vendu sans avoir pu acheter !

Pierre-Jean Varet

Lui écrire: ARTCOLLE@aol.com

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