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Misogynie (2): la période moyenâgeuse.

Donc, au fil du temps, en remontant de la genèse et en passant pas les temps préhistoriques, la condition féminine ne change guère et, pendant des siècles et des siècles, reste nettement défavorable aux descendantes d'Eve. C'est vers le moyen âge que les choses vont avoir (seulement) tendance à changer légèrement. Ce sera un peu "avancer pour mieux reculer", pas tout à fait ce que l'on aurait pu espérer, du moins en étant femme!
Le moyen âge sera une période de grands troubles mais aussi de découvertes. Entre temps, un certain Jésus-Christ aura quelque peu remis les pendules à l'heure via la Sainte Vierge Marie, en remettant les péchés de Marie-Madeleine qui exerçait le plus vieux métier du monde, en remettant un peu d'humanité dans tout ce monde machiste et en secouant le poirier pour en faire tomber un mot magique: "Amour".
Cela n'allait pas tout révolutionner du jour au lendemain, mais on allait quand même se rendre compte d'au moins une chose, c'est que les femmes, pour inférieures qu'elles étaient, n'en étaient pas moins importantes pour assurer aussi la descendance des hommes. Hé oui, à l'époque, pas d'insémination artificielle, pas de fécondation in vitro et : pas de femmes = pas d'enfants. Or qui dit "pas d'enfants" dit aussi non seulement pas de filiation mais aussi pas de possibilité de filiation masculine. Malgré cet éveil de la question, il n'était pas encore à l'ordre du jour de remettre en question ce qui était établi.

Ainsi, la vision de la femme qu’ont diffusée les clercs est connue pour son extrême misogynie : pour ces forcenés du célibat, la femme, descendante d’ Ève, la pécheresse, celle par qui le malheur arrive, est non seulement évidemment inférieure à l’homme, mais aussi sotte, lascive, traîtresse, dangereuse, répugnante…. On peut citer, à titre d'exemple, le fameux "Femme, tu es la porte du Diable!" (Tertullien), ou encore "la beauté physique ne va pas au-delà de la peau. Si les hommes voyaient ce qui est sous la peau, la vue des femmes leur soulèverait le coeur. Quand nous ne pouvons toucher du bout du doigt un crachat ou de la crotte, comment pouvons-nous désirer embrasser un sac de fiente?" (Odon, abbé de Cluny au Xème siècle), ou enfin "la femme est un mâle déficient et doit rester sous tutelle" (Saint Thomas)....Ces trois citations n'étant qu'un modeste extrait d'un genre foisonnant. Dans le monde laïc, une misogynie indéniable existe également, mais elle coexiste avec nombre d'images positives de la femme.
Dans la littérature courtoise, par exemple, "l’amie", "la Dame", figure hautement idéalisée, ne peut être dépeinte qu’en des termes de louanges et de respect. C’est elle qui amène à la sublimation des sentiments, elle qui amène le chevalier son amant à se dépasser.
De même, sans l’aide des multiples "pucelles" plus ou moins mystérieuses, sans les conseils des mères, sans l’aide des fées, messagères d’un "Autre Monde", que serait la quête des chevaliers ?
Dans les fabliaux et d’autres romans, enfin, on peut rencontrer des femmes loyales, intelligentes, prudentes, aimantes - on peut citer par exemple Erec et Enide, de Chrétien de Troyes.
La statuaire diffuse également une vision positive de la femme, même si elle se cantonne le plus souvent dans le domaine religieux : bienheureuses et images toute de mansuétude de Marie, dont il faut rappeler l’importance du culte, peuplent l’univers mental moyenâgeux.

Si ces représentations positives ne signifient certes pas que la femme du monde médiéval est "libre" ou "l'égale de l'homme", elles contrebalancent néanmoins la misogynie traditionnelle des civilisations méditerranéennes ainsi que le discours des clercs. Enfin, on peut noter que le quatorzième siècle va voir une relative émancipation féminine, au niveau économique mais aussi, parfois même, dans le domaine intellectuel, spirituel et artistique. On verra des femmes occuper des métiers d'homme - toujours d'ailleurs pour la bonne vieille raison: elles sont moins chères.... On verra aussi les femmes investir le domaine spirituel comme elles ne l'avaient pas fait depuis les débuts du christianisme: le siècle comptera plus de femmes canonisées que d'hommes, cependant que certaines abbesses théorisent, écrivent, s'opposent parfois à la hiérarchie... bref, pensent.

Cette très modeste embellie ne va cependant pas durer longtemps.

Tout d'abord, les femmes perdent les quelques droits que le Moyen-âge leur avait acquis ou conservés. La politique royale va en effet viser à les mettre sous complète tutelle du père, puis du mari. Elles perdent tout droit juridique, ne peuvent plus être maîtresses de leurs biens, ne sont plus autorisées à signer de contrats.... L'adultère peut être puni de mort. Parallèlement, dans le Nord et l'Est de l'Europe, des représentations laïques de la femme de plus en plus négatives, satiriques, voire parfois monstrueuses vont apparaître.... Dans l'aire culturelle germanique, ces modifications culmineront en la création de l'archétype de la sorcière.

Ainsi, aux Pays-bas et dans le Saint-Empire on peint de plus en plus de femmes à la laideur repoussante, aux corps difformes, aux visages grimaçants, à la vieillesse dépeinte comme une déchéance, préfigurant la mort et la pourriture... Alors que la représentation de la vieillesse chez l'homme reste le plus souvent associée à la sagesse.

Le cul du diableReprésente-t-on, d'aventure, une fille jeune et belle? C'est pour souligner sa lubricité, sa frivolité, qui la rend si vulnérable au démon... à moins que le vrai visage de la femme ne soit ... le cul du diable, comme le suggère la gravure ci-contre.

De nombreuses oeuvres de l'époque mettent aussi en garde contre "la perversité naturelle" de la femme, soulignent que sa séduction est dangereuse, mensongère, et qu'elle ne s'en servira que pour mieux asservir l'homme.... Ces oeuvres insistent également sur l'importance pour la femme de rester à sa place. Enfin, si la Renaissance italienne diffuse largement des images de nudités parfaites, débarrassées de l'idée du péché, liant perfection physique et beauté intérieure, une contre-réaction, dans le domaine germanique, relie de plus en plus souvent nudité féminine, thème du mal, et thème de la destruction. La mort, la vieillesse, la femme, la sexualité...

Chez Grien, en particulier, qui sera grand pourvoyeur de représentations de sorcières, l'érotisme et le macabre se mêlent pour donner une vision cauchemardesque de la sexualité en générale et de la sexualité féminine en particulier. Toutes ces images seront abondamment diffusées, notamment grâce aux gravures sur bois ou sur métal qui permettaient une production rapide, et contribueront à forger un mythe, qui, s'il ne toucha d'abord que les élites, finira par se répandre dans l'imaginaire collectif.

Dans le domaine littéraire, en France, la "Querelle des Femmes", lancée un siècle auparavant par Christine de Pisan, bat son plein. Mais si des voix féminines, telles Louise Labé ou Marguerite de Navarre, se font entendre, si de nombreux auteurs de la Grande Renaissance défendent "La feminye", l'ampleur du débat et la virulence des arguments anti-féminins traduit assez bien l'angoisse générée par la place de la femme dans la société.

Les vieux thèmes misogynes sont en quelque sorte "réactivés" par cette angoisse. On dépeint de plus en plus, semble-t-il, la femme comme menteuse, dépensière, coquette, frivole... On l'identifie de plus en plus au thème du pêché, on multiplie les mises en garde.

De la littérature courtoise, on est passé à des textes comme "Les quinze joies du mariage", sorte de bible anti-féminine dont l'imprimerie assurera une grande diffusion.

Les poètes de la Renaissance, s'ils chantent les plaisirs de l'amour et la beauté de leurs jeunes maîtresses, feront du mépris, du dégoût et de la haine de la vieille femme un thème récurent.

Ronsard parle par exemple d'une "Catin", vieille femme aux "yeux chassieux", au nez "morveux", aux dents "chancreuses et noires"...et écrit un véritable appel au meurtre de la sorcière.

Pour Du Bellay, la vieille est "immonde", elle est le "déshonneur du monde"...

Erasme, dans "L'Éloge de la folie", décrit ainsi les vieilles femmes: "...toujours en chaleur, désirant un mâle, comme disent les Grecs, et séduisant un jeune Phaon qu'elles ont acheté très cher. Elles passent leur temps à se maquiller, à s'épiler les poils du pubis, à exhiber leurs mamelles mollasses et putrides, à essayer d'éveiller le désir défaillant de leur voix tremblotante et plaintive, à boire et à danser avec les jeunes filles et à gribouiller de petites lettres d'amour. Cela fait rire tout le monde. On les trouve complètement folles, et elles le sont."

On pourrait multiplier les exemples où, tout en chantant la fuite du temps, les auteurs en profitent pour dresser le portrait effrayant en même temps que repoussant de la femme qui a perdu sa beauté.

Madeleine Lazard, dans "Les avenues de Feminye", tente d'expliquer de phénomène: "Il n'est pas surprenant que la littérature et les arts aient reflété le dégoût et la peur, face au vieillissement et à la déchéance, d'une époque qui compte tant d'adorateurs de la jeunesse. Mais, selon de récentes études historiques, notamment celles de Georges Minois, on pourrait y voir la manifestation d'une mutation démographique: alors que, de l'antiquité jusqu'au seizième siècle, les femmes mouraient plus jeunes que les hommes et que les vieillards mâles étaient de loin les plus nombreux, c'est l'inverse qui se produit au seizième siècle, au moins dans les milieux aristocratiques, où les conditions d"hygiène lors des accouchements s'améliorent. La relative prolifération des vieilles femmes dans la noblesse est une des nouveautés du XVIe siècle. Expliquerait-elle l'acharnement des hommes de lettres, spécialement les poètes appartenant à l'aristocratie, contre les vieilles, la belle ayant, avant le XVIème siècle, toutes chances de mourir avant la cinquantaine?"...

Enfin, le discours scientifique, qui, depuis Aristote, n'a jamais été tendre envers la femme, achève de convaincre qu'elle est non seulement inférieure à l'homme mais aussi dangereuse. On se méfie de ses "humeurs descendantes", on décrit sa tendance à la "mélancolie", à "l'humeur noire", sorte d'équivalent du temps de la dépression... Son corps semble être le réceptacle naturel à toutes les maladies. Enfin, on souligne que son sexe même est dangereux pour la virilité, y compris hors de la période "impure" de ses menstruations: en effet, certains auteurs n'ont-ils pas évoqués l'existence de "vagins dentés"?

Dans ce contexte d'anti-féminisme généralisé, les prêcheurs et autres "prophètes de l'Apocalypse" n'auront aucun mal à reprendre leurs vieux thèmes misogynes, en accentuant l'idée que la femme est, par essence, non seulement pécheresse mais..."diabolique".

Le personnage de la sorcière, vieille, laide, puante, ou bien diaboliquement belle, tentatrice et lubrique, apparaîtra à certains comme une évidence, tant le livre et l'art l'auront diffusé... Au point que le stéréotype perdurera fort longtemps.

Misogynie 1 - 2 - 3 - [ Suite du dossier GESO sur les sorcières ]

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