8. - LA BULGARIE INDEPENDANTEPendant ce temps, la partie de la population bulgare replacée, par la seule volonté des Grands, sous le joug ottoman, ne se résigne pas. Une organisation révolutionnaire - ressemblant en plusieurs points aux comités qui précédaient l'insurrection d'Avril - est créée en Macédoine, en Thrace et dans la région d'Andrinople (Edirné). Tous se souviennent de l'insurrection de Kresna (1878), village de Macédonie du nord, arraché comme tant d'autres à la mère patrie par le Congrès de Berlin. Comme d'habitude, des émeutes, insurrections, libérations éphémères se succèdent; comme d'habitude, la Sublime Porte fait couler des fleuves de sang. En 1912, lassés de la cruauté ottomane (et, il faut le dire, poussés par la Triple-Entente qui souhaite dresser une barrière entre l'Allemagne et la Turquie), la Serbie, la Grèce, le Monténégro, la Bulgarie forment l'Alliance balkanique et, le 18 octobre, déclarent la guerre aux Turcs. Grâce à l'armée bulgare, ceux-ci sont repoussés et doivent conclure, le 30 mai 1913 à Londres, un traité de paix. Ils y renoncent à toutes leurs possessions à l'ouest de la ligne Enos-Midia, à charge pour les pays balkaniques de se les partager entre eux (Machiavélique! C'est un peu comme de céder sa place en disant à deux jeunes femmes "Que la plus jolie de ces dames veuille s'asseoir! "). La dissension s'installe chez les vainqueurs, notamment à cause de la Macédoine. La Bulgarie, ayant remporté le plus grand nombre de victoires et livré les plus durs combats, est aussi la plus épuisée militairement. Ses alliés de la veille font donc bloc contre elle. Pour éviter de se faire attaquer par surprise, le 23 juin 1913, Ferdinand ler déclenche - sans déclaration de guerre préalable - les hostilités contre la Serbie et la Grèce. Mauvais calcul, car la Roumanie profite lâchement de l'occasion et envahit sans coup férir le nord de la Bulgarie. De leur côté, les Turcs réoccupent les territoires qu'ils avaient dû céder par le traité de Londres. La Bulgarie est battue et, par le traité de Bucarest (1913), voit lui échapper la plus grande partie de la Macédoine (partagées entre la Serbie et la Grèce), ainsi que la Dobroudja méridionale (annexée par la Roumanie). Seule un étroit couloir lui donne accès à la mer Egée. Afin de récupérer ces territoires, le tsar bulgare s'allie - en 1915 - aux puissances centrales. En octobre-novembre de la même année, la Macédoine "serbe" est libérée. Bientôt, le front bulgare s'étend du Siret (rivière roumaine) jusqu'au Vardar (fleuve macédonien). Le 18 septembre 1918, l'offensive de Franchet d'Esperey perce les lignes bulgares à Dobro Poljé. Les troupes se replient rapidement sur les anciennes frontières de Bulgarie et Ferdinand doit signer l'armistice. Face à cette deuxième catastrophe nationale en dix ans de règne, aggravée par une famine dans le pays, les soldats retournent leurs armes contre le pouvoir et se dirigent vers Sofia: ils réclament que les gouvernants soient tenus pour responsables de la débâcle devant le peuple. Ferdinand est contraint d'abdiquer 3 octobre 1918) en faveur de son fils. Celui-ci - Boris III - monte sur le trône d'une Bulgarie amputée de la majeure partie de la Macédoine, de la Thrace égéenne, de la Dobroudja méridionale, de la région autour de Stroumitsa. Appauvrie par le traité de Neuilly (27 novembre 1919) qui lui impose de payer d'énormes dommages de guerre, la Bulgarie traverse - jusqu'en 1941 une crise économique et politique sans précédent dans sa longue histoire. D'abord neutre dans la Seconde Guerre mondiale, la Bulgarie adhère - le 1er mars 1941 - au pacte tripartite. Son gouvernement déclare la guerre aux puissances occidentales... tout en leur précisant qu'il ne s'agit que "d'une guerre symbolique". Dès l'accord signé, les hordes nazies se précipitent au travers du pays pour envahir par là la Yougoslavie et la Grèce. Par collabos interposés, ils établissent leur diktat sur la population. Pourtant, tout "fasciste" qu'il soit, le gouvernement bulgare résiste passivement, il ne se décide pas à déclarer la guerre à l'URSS, refuse d'envoyer un seul soldat bulgare sur le front russe, laisse résider une mission militaire soviétique à Sofia. " Prié" par les nazis de livrer 20.000 Juifs, il refuse de toucher à ceux vivant en Bulgarie (50.000) mais ne peut rien faire - malgré l'indignation populaire que soulèvent ces mesures - pour sauver ceux qui résident dans les territoires nouvellement (re)conquis par les troupes bulgares.
HISTOIRE RECENTEL'Histoire du communisme en Bulgarie est trop proche pour se permettre de la juger. Comment, d'ailleurs, un observateur extérieur pourrait-il examiner objectivement un régime qu'il n'a pas vécu? Ceux qui se rendent en Bulgarie s'aperçoivent bien vite que la population est partagée: certains regrettent l'ère communiste, d'autres la maudissent. Dans une analyse remarquable, un journal anglophone de Sofia m'a donné la clé de l'énigme psychologique.
La vie est un choix, à chacun ses priorités... Mais puisse Dieu faire que, dans un proche avenir, ce petit peuple si grand n'ait plus à choisir entre le joug et la pauvreté! Nous devons cet article à Monsieur Roland Lemaigre, que nous remercions.
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